Giscard Bouchotte invité au Festival International du Film d'Afrique et des Îles (FIFAI)

Un "rendez-vous avec le monde" ! C'est ainsi qu'il qualifie le festival, M. Jean-Yves Langenier, Maire PCR de la Ville, qui par ailleurs, a reçu tous les invités à diner. Le Maire cite un par un chaque pays présent, comme pour rappeler que, pour La Réunion, le géant Afrique du Sud a autant d'importance que la Sierra Leone et qu'il n'y a pas de raison que le cinéma d'Algérie soit plus visible que celui du Burundi. Sans compter qu'il y a toutes ces îles dont les contours géopolitiques échappent aux champs de vision des grands Sommets. L'Afrique étant un continent, on parle d'un cinéma africain et pas d'un cinéma européen. Dans le rayon cinéma, il arrive qu'Haïti se retrouve dans la case Afrique. Par arrogance économique ? Une île c'est le soleil et la plage n'est ce pas ? La Réunion jure beaucoup par ses montagnes face aux plages du géant touristique de la zone, l'île Maurice et, bien qu'à une trentaine de minutes de vol, en dehors de la musique, les deux îles se croisent mais ne se regardent pas.

Deux fois plus grande et plus peuplée que la Martinique, La Réunion fait partie des enfants pauvres de l'imaginaire Haïtien. Dans la Caraïbe, le cas atypique d'Haïti comme nation économiquement si dépendante, n'a pas facilité les échanges voire la mise en place de solidarités régionales souhaitées. Les rares événements culturels internationaux sont les seuls prétextes qui permettent aux îles de se rencontrer. On se retrouve plus facilement ailleurs qu'en nos territoires réciproques. Tandis que les DOM-TOM dialoguent avec Paris, Haïti n'a pas le choix, elle a le monde comme horizon ! Alain Gili eut le courage de tenter une réelle présence du cinéma haïtien à La Réunion et serait surpris de voir que les meilleurs amis de son île adoptive ne sont pas forcément les plus proches. Zanmi pre m'pral kay zanmi lwen ?

Cette année, trois films Haïtiens figurent parmi les 100 titres de films proposés dont "Maestro Issa" de Frantz Voltaire. Une œuvre magistrale sur la musique haïtienne des années 50. La musique tient une place de choix dans cette crue 2009, notamment avec la mise en place de "L'Ecran musical". Plusieurs films à thème musical sont programmés dont "Come Back Africa", "Soul Power" ou "Mama" dans lesquels on retrouve Myriam Makeba à des périodes différentes de sa vie. Ces films sont projetés gratuitement en plein air. D'autres grands films ponctuent la programmation parmi lesquels on citera "35 rhums" de Claire Denis, le film sud-africain, "Mon ciel secret- Izulu lami" de Madoda Ncayiyana ou "Les battants-Bor Bor pain" de Bintou Diarra, ces deux derniers étant également invités.

L'affiche rend hommage à Myriam Makeba jeune, grande dame de la musique sud-africaine disparue l'année dernière. On reconnaît évidemment la touche d'Alain Gili qui, depuis 1993, en fait des pièces de collection. Cet amoureux de la poésie, ancien enseignant aux Beaux-Arts, est pour le moment Délégué Général du Festival. Sa témérité fait ses preuves, cet événement est l'une des rares manifestations professionnelles internationales de l'île. Le Port a vu défiler les plus grands, de Souleymane Cissé (1996) à Dani Kouyaté (1991, 1997) en passant par Sarah Maldoror. Le FIFAI est le fruit d'un travail de titan, d'une rare exigence professionnelle et soutenu par les collectivités locales. Le jeune réalisateur d'origine comorienne, Mohamed Said-Oumar assure la production avec maestro. La présence quotidienne du directeur, M. Paul Mazaka, également responsable du Service culturel de la Mairie, prouve que ce Festival est une institution en soi.

La Réunion est venue vers moi il y a quelques années grâce à Jack Beng-Thi, ce plasticien natif natal du Port que je retrouve ici à l'occasion. Jack est un artiste international. Il a fait la scénographie de l'espace du FIFAI, prépare une rétrospective de son travail pour 2010 et sera à Bamako en novembre pour la Biennale de la Photographie. A l'image de cette île, il est un exemple concret de l'incontournable métissage des sociétés contemporaines. On peut rester très attaché à ses origines (il travaille dans son immense atelier au Port où il est né) et participer au monde : Jack Beng-Thi a déjà fait la plupart des grandes Biennales Internationales.

Au Port, la prestigieuse Ecole des Beaux-Arts où il a enseigné, dirigé par Alain Séraphine, propose également une Biennale Art Design Création Numérique qui va durer un mois à partir du 20 novembre prochain. J'ai rencontré les dix-huit jeunes artistes plasticiens actuellement en résidence. Ils viennent du Congo, du Mexique, de Madagascar, de France, du Cameroun, de l'Australie etc..., et préparent leur participation à cette Biennale. Le designer congolais Cedrick Nzolo fait partie des chanceux artistes; on a parlé de Kinshasa et il voudrait bien venir en Haïti. Le jeune réalisateur Stéphane Payet et Guillaume Savignan, encore étudiant aux Beaux-Arts me vantent le privilège d'habiter une île très métissée. Ils savent bien qu'en France métropolitaine, la question des origines reste une obsession, mais ce n'est pas forcément pour s'apprivoiser. Aprivoiser disait le Renard de St-Exupéry, c'est créer des liens. Comme si soudain, il était possible de balayer d'un revers de la main les grands défis de la différence et qu'un réel rendez-vous avec le monde comme archipel était possible !


>>> Lire "FIFAI : Haïti ouvre les festivités"
dans CLICANOO, le Journal de l'Ile de la Réunion